Entretenir, améliorer, transformer - Gérer la présence Web du gouvernement GC

2023-08-28 - Blogue

La présence Web du gouvernement du Canada (GC) n’est pas un simple « site Web » - c’est le principal point d’entrée pour tous les services du gouvernement. Les équipes Web travaillent d’arrache-pied depuis des années pour l’entretenir et l’améliorer. Pourtant, la nécessité de la transformer radicalement semble pratiquement évidente pour tous ceux qui ont vu les gens essayer de l’utiliser.

Ces dernières années, des équipes de transformation de service sont apparues dans de nombreux ministères, dans le but de réimaginer l’expérience client, en particulier dans son aspect numérique. La prolifération de ces équipes, de même que la nomination d’un nouveau ministre des services aux citoyens, mettent en lumière un défi de taille. Il semble y avoir une certaine « tension » entre ceux qui entretiennent et améliorent régulièrement la présence Web (généralement au sein des équipes de communication) et les nouvelles équipes de transformation (généralement situées en dehors des communications). Cette tension entraîne souvent des chevauchements, de la méfiance, un manque de coordination et une duplication des efforts.

Il semble que la solution consisterait à passer à un modèle de gestion de produit. La plupart du temps, nous gérons l’amélioration et la transformation comme des « projets » séparés et distincts, avec des calendriers et des livrables rigides, ce qui nous conduit inévitablement vers une gestion « waterfall ». Même lorsque les équipes travaillent en sprints ou qu’elles utilisent la méthodologie scrum, elles finissent souvent par n’avoir d’agile que le nom. Traiter l’ensemble de la présence Web d’un service comme un produit, en s’appuyant sur une amélioration et une transformation continues fondées sur des données probantes, permettrait probablement d’obtenir de bien meilleurs résultats.

Des équipes de produit pluridisciplinaires, habilitées à prendre des décisions, comprenant des personnes travaillant dans les domaines de la politique, de la technologie, du contenu et de la conception, et travaillant de manière réellement agile, pourraient avoir un réel impact sur les résultats des services gouvernementaux. Mais cela nécessitera des changements significatifs dans notre mode de fonctionnement, notre mode de financement et notre processus d’approbation.

En attendant de pouvoir traiter les services comme de véritables produits, nous devrons trouver un moyen de travailler ensemble. Il ne s’agit pas de choisir entre l’entretien, l’amélioration ou la transformation; il s’agit de comprendre comment tout cela fonctionne ensemble. Je pense que nous pouvons le faire de manière cohérente, collaborative et fondée sur des données probantes, afin d’aider les gens à obtenir les services dont ils ont besoin de la part du gouvernement - indépendamment de nos différentes structures organisationnelles.

Pour étudier comment nous pourrions y parvenir, je propose un cadre à trois horizons, inspiré du modèle des trois horizons de McKinsey. Ce cadre peut nous aider à réfléchir à la manière dont les différents horizons pourraient fonctionner selon divers aspects :

  • utilisation des preuves et des données pour éclairer les décisions
  • équilibre entre stabilité et innovation dans la conception
  • collaboration et partage des connaissances

Trois horizons : entretenir, améliorer, transformer

Titre du graphique : Présence Web du GC - Un cadre à trois horizons. 2 axes. Axe X : temps. Axe Y : Recherche, innovation, bouleversement. Trois bulles, commençant toutes dans le coin inférieur gauche du graphique. 1ère bulle : Entretenir (environ un tiers de l'axe : peu de temps, peu d'innovation). 2e bulle : Améliorer (environ la moitié de l'axe : temps moyen, innovation moyenne). 3ème bulle : Transformer (va jusqu'au bout des axes : beaucoup de temps, beaucoup d'innovation).

Entretenir

L’entretien au jour le jour est le pouls de la présence Web du GC. C’est la base sur laquelle tout est construit. Lorsque le site Web est en panne, le service est en panne.

Les personnes chargées de l’entretien sont soumises à une forte pression : elles doivent trouver un équilibre entre la conformité aux politiques Web, les besoins des utilisateurs, l’exactitude des programmes et les interminables approbations, sans parler des demandes fréquentes des cabinets ministériels pour diverses annonces ou campagnes.

Les responsables de l’entretien connaissent parfaitement la présence Web dont ils sont responsables. Ils connaissent ses forces et ses faiblesses, ils savent ce qui doit être amélioré et ils ont une bonne idée de ce qui empêche les gens de réussir. Mais ils ont souvent peu de temps à consacrer à l’amélioration de la présence sur le Web. Ils courent d’un feu à l’autre.

Cela peut être un travail ingrat : ce n’est pas tape-à-l’œil, ce n’est pas sexy, mais c’est un travail vital et difficile. Pensez à n’importe quelle crise de service de ces dernières années, comme le début de la pandémie ou les délais dans le traitement des passeports : dans de telles situations, il y a des tonnes de héros méconnus qui travaillent en coulisses, simplement pour garder la boutique ouverte.

Améliorer

Les personnes chargées de l’amélioration souhaitent améliorer la présence Web existante. Se concentrant sur les tâches les plus importantes pour l’utilisateur, elles travaillent généralement sur des projets d’optimisation d’une durée de quelques semaines à quelques mois. Elles prennent le temps d’étudier les problèmes, de concevoir et de tester des solutions pour tenter de les résoudre. Les projets peuvent consister à réorganiser le contenu relatif à certaines prestations ou à créer un assistant interactif pour aider les gens à trouver le bon numéro de téléphone à appeler : des choses concrètes pour aider les utilisateurs à naviguer dans le service actuel et à obtenir ce dont ils ont besoin.

Les responsables de l’amélioration sont généralement à l’abri des tempêtes quotidiennes. Ils ont le temps et le mandat de se concentrer sur les utilisateurs et de défendre leurs intérêts et leurs besoins. Il s’agit d’identifier les points douloureux et d’essayer d’y remédier efficacement.

L’amélioration de la présence existante nécessite une remise en question constante du statu quo, mais n’implique pas une refonte complète de la manière dont nous offrons un service. C’est la position dans laquelle je me sens personnellement le plus à l’aise : elle comporte son lot de bouleversements, mais en travaillant dans le cadre existant, elle permet d’obtenir rapidement des améliorations concrètes pour les utilisateurs du service.

Si « de petits changements peuvent faire une grande différence », les responsables de l’amélioration vont généralement découvrir des problèmes qui nécessitent une transformation beaucoup plus profonde. Certaines choses ne peuvent tout simplement pas être résolues en améliorant le design existant.

Transformer

La transformation va au-delà de l’amélioration de la présence Web actuelle. Il s’agit de repenser le service dans son ensemble. Elle est de nature perturbatrice. Elle remet tout en question, y compris la manière dont la présence contribue à l’expérience client globale.

La différence entre l’amélioration et la transformation est principalement une question de portée, de profondeur et d’échelle : la transformation est moins limitée par la situation actuelle et vise à reconstruire les choses en mieux, souvent à partir de zéro. Alors que les améliorations ont un horizon à moyen terme (de quelques semaines à quelques mois), les transformations ont généralement un horizon à plus long terme : plusieurs mois, voire plusieurs années.

Cette vision à long terme donne aux transformateurs plus de temps et d’espace pour mener des activités visant à comprendre en profondeur les besoins des utilisateurs, leurs parcours, leurs frustrations et leurs espoirs.

Dans un contexte gouvernemental, la transformation est un véritable défi. Mener un projet de transformation agile dans un monde « waterfall » revient à se heurter à des accueils à chaque coin de rue. Pourtant, il est essentiel de poursuivre les efforts de transformation : sans transformation majeure, certains services publics ne peuvent tout simplement pas fournir les résultats souhaités.

Les données probantes comme boussole

Les efforts déployés dans ces trois horizons doivent s’appuyer sur des données et des éléments probants. Il est essentiel que nous fassions tous bon usage de l’énorme quantité de données qui existent sur notre présence en ligne, que nous fassions des recherches et des tests pour en tirer des enseignements, et que nous utilisions ces données pour éclairer nos décisions. Nous ne devrions pas utiliser les données uniquement pour évaluer les performances après coup - nous devrions les utiliser pour aiguiller nos actions (Jennifer Palkha, Recoding America, 2023, p.63).

Recueillir et utiliser des preuves

Nous devons nous poser les questions suivantes :

  • Que savons-nous : Quelles sont les données dont nous disposons déjà sur les tâches des gens, leurs points faibles, les obstacles qu’ils rencontrent, etc.?
  • Que devrions-nous apprendre : Où se situent les lacunes dans les données, de quoi avons-nous besoin pour clarifier les choses?
  • Comment apprendre : Quelles sont les activités dont nous avons besoin pour obtenir cette clarté et aller de l’avant?

Les réponses à ces questions varieront en fonction du résultat recherché. L’entretien, l’amélioration et la transformation de la présence Web exigent des niveaux de compréhension différents.

Les responsables de l’entretien, par exemple, peuvent consulter l’analytique Web et remarquer un changement significatif de comportement sur une page spécifique (un pic de trafic, ou un pic dans le nombre de commentaires d’utilisateurs). Ils peuvent alors étudier les commentaires des utilisateurs pour essayer de comprendre le problème et éventuellement proposer une solution immédiate.

Les personnes en chargent de l’amélioration ont le temps et l’espace nécessaires pour ajouter d’autres techniques à leur boîte à outils, comme par exemple :

  • effectuer des tests A/B sur différentes mises en page pour trouver celle qui est la plus performante
  • effectuer des tests de convivialité pour affiner une conception
  • utiliser les résultats des tests d’arborescence pour réorganiser l’architecture de l’information.

Elles peuvent utiliser ces informations pour améliorer régulièrement la présence Web sans nécessairement réimaginer l’ensemble de l’expérience du service.

Les transformateurs peuvent utiliser toutes ces techniques et en ajouter d’autres plus approfondies, comme la conduite d’entretiens approfondis avec les utilisateurs ou la réalisation d’une cartographie complète du parcours (journey mapping). Travaillant à plus long terme, ils peuvent utiliser tous les outils à leur disposition pour repenser l’ensemble de l’expérience client.

Des ressources comme celles-ci peuvent nous aider à organiser et à hiérarchiser nos activités de recherche :

Partager largement les données

Les trois horizons doivent partager les données, les preuves et les idées avec tous les membres de l’organisation. Nous devrions tous être en mesure de nous appuyer sur les preuves des autres, d’affiner notre compréhension des besoins des utilisateurs, de leurs difficultés, de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas.

Comme nous travaillons séparément la plupart du temps, il semble que nous n’ayons aucune idée de la manière de récupérer les apprentissages passés ou les apprentissages réalisés par les autres.

Voici quelques idées pour remédier à cette situation :

  • Créer une sorte de centre de données et le mettre à la disposition de tous les membres de l’organisation - ce centre pourrait inclure l’analytique Web, les requêtes de recherche, les commentaires des utilisateurs, le sondage sur la réussite des tâches du GC, les données des centres d’appel et toute autre donnée pertinente. Il pourrait être utile à la fois pour élaborer des rapports de performance et comme outil pour aider à maintenir, améliorer et transformer la présence sur le Web. Des travaux sont déjà en cours à cet égard dans de nombreux départements (notamment à l’ARC et à EDSC).
  • Créer une base de données de recherche UX afin de partager largement les idées et les enseignements (quelque chose comme Atomic Research pourrait nous aider à le faire).
  • Mettre en place une communauté de pratique, un endroit où nous pouvons nous soutenir mutuellement et partager notre travail.

Le partage doit se faire au niveau du département, mais aussi au niveau de l’ensemble du gouvernement : nous pouvons apprendre les uns des autres.

Conception et innovation : La nécessité d’un système de design pour le GC

Comme toute organisation, le gouvernement du Canada a une marque numérique : Canada.ca. Dans l’ensemble, l’utilisation des éléments de la marque Canada.ca pour l’ensemble de la présence du GC sur le Web est cruciale pour la confiance. Pour faciliter l’utilisation de ces éléments de marque, quelle que soit la façon dont le contenu est publié, nous avons besoin d’un système de design robuste pour le GC.

Ce système de conception doit fournir d’excellents points de départ utilisables par tous. Mais il doit aussi intégrer la flexibilité nécessaire pour innover et s’améliorer. Il a besoin d’un modèle de contribution efficace.

Les responsables de l’entretien ont besoin de stabilité

Lorsque vous devez gérer des demandes ou une crise, vous n’avez pas le temps de réinventer la roue. Vous avez besoin de modèles stables sur lesquels vous pouvez compter. Même si vous devez toujours faire preuve de discernement et adapter le design aux besoins des utilisateurs, vous avez besoin d’une base solide : des designs fondés sur des preuves que vous pouvez utiliser en toute confiance, accompagnées de directives claires.

Les responsables de l’amélioration ont besoin d’une certaine flexibilité

Lorsque vous améliorez la présence Web, vous êtes dans un espace d’apprentissage. Vous avez le temps de modifier les designs ou d’en créer de nouveaux, de tester ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, et d’apprendre par l’expérimentation. Il faut qu’il y ait un mécanisme qui permette d’intégrer les enseignements dans le système global.

Les transformateurs doivent innover

Travailler dans un espace de transformation peut révéler la nécessité d’une révision significative de certains éléments de design. Les transformateurs doivent toujours respecter une « marque » unifiée, mais ils ont besoin d’un espace pour repenser presque tout, et d’un mécanisme pour intégrer les enseignements dans le système.

Nous avons besoin d’une équipe de système design habilitée

En bref, pour fournir de meilleurs services de manière plus efficace, nous avons besoin d’un système de design pour :

  • favoriser la confiance du public grâce à une « marque minimale viable »
  • fournir des modèles bien documentés et robustes comme points de départ sains et relativement stables
  • offrir la flexibilité nécessaire pour permettre l’apprentissage par l’expérimentation - y compris en permettant aux ministères d’avoir leur propre système de design complémentaire
  • disposer d’un modèle de contribution clair et collaboratif pour continuer à améliorer le système.

À mon avis, cela ne peut se produire que s’il existe une équipe permanente dotée de l’expertise, du mandat et du financement nécessaires pour diriger un système de design du GC en tant que produit. Et cette équipe doit prendre en compte les besoins de tous les horizons - elle doit soutenir l’entretien, l’amélioration et la transformation de la présence du GC sur le Web.

Une large collaboration est nécessaire

Ces horizons ne sont pas nécessairement équivalents à des unités de travail ou à des groupes de personnes distincts; différents ministères ont des modèles organisationnels différents pour gérer ces trois horizons. Dans certains cas, par exemple, l’entretien et l’amélioration de la présence sur le Web relèvent de la responsabilité de la même équipe. Comme je l’ai déjà mentionné, je dirais même que l’avenir réside dans l’utilisation d’une optique de gestion de produit et dans la constitution d’équipes pluridisciplinaires capables de gérer les trois horizons de manière cohérente.

Quelle que soit la manière dont les équipes sont organisées, l’important est qu’aucun horizon ne soit isolé, qu’aucun effort ne soit insignifiant et qu’aucun groupe ne se sente menacé par l’autre. Les différents horizons sont complémentaires et peuvent apprendre les uns des autres.

Si vous assurez l’entretien :

  • Vous savez de première main comment fonctionne la présence Web: ce qui marche, ce qui ne marche pas, quels sont les défis, les obstacles, les bloqueurs, qui sont les alliés, quels sont les risques réels, etc.
  • N’hésitez pas à partager ces connaissances avec tout le monde.
  • Ne vous sentez pas menacé par ceux qui veulent améliorer ou transformer la présence Web sur laquelle vous travaillez; ce n’est pas une attaque à la qualité de votre travail.
  • Ne gardez pas jalousement « vos » dossiers - considérez le contenu du site Web comme un service aux utilisateurs, et non comme votre propriété.

Si vous améliorez la présence Web :

  • Vous êtes en quelque sorte « au milieu » : vous pouvez accéder facilement aux connaissances des responsables de l’entretien, vous avez la possibilité d’interpréter les preuves et de mener des recherches pour obtenir davantage d’informations, et vous avez la marge de manœuvre nécessaire pour écouter réellement ce que les transformateurs apprennent sur le parcours de l’utilisateur, les difficultés, et les opportunités.
  • Ne sous-estimez pas le pouvoir qui vient avec cette position.Vous pouvez contribuer à combler le fossé entre les efforts quotidiens et les efforts de transformation.

Si vous transformez :

  • Vous êtes en mesure d’imaginer ce que l’avenir pourrait être ; cela peut être très puissant.
  • Ne travaillez pas en vase clos : parlez aux responsables de l’entretien et de l’amélioration, écoutez ce qu’ils apprennent et utilisez ces renseignements pour aiguiller la transformation.
  • Ne faites pas comme si personne d’autre n’avait les connaissances et l’expertise nécessaires pour comprendre comment améliorer les services. Reconnaissez le travail qui est déjà accompli dans ce domaine et évitez l’attitude de sauveur.
  • Partagez largement vos propres connaissances. Si vous trouvez des choses que nous pourrions corriger dès maintenant, travaillez avec ceux qui améliorent les services pour le faire, n’attendez pas un état futur idéalisé.
  • Partagez le mérite des accomplissements avec toutes les personnes concernées.

En fin de compte, il ne s’agit pas d’une compétition pour la reconnaissance et les tweets, mais d’un effort d’équipe pour mieux servir les gens.

Un objectif commun : améliorer les services

Les utilisateurs méritent que nous nous occupions des trois horizons : nous devons travailler à l’entretien, à l’amélioration et à la transformation de la présence du GC sur le Web.

En d’autres termes, vous ne pouvez pas arrêter de faire la vaisselle parce que vous rénovez votre salle de bain. Vous ne pouvez pas non plus cesser de faire des rénovations parce que vous prévoyez d’acheter une nouvelle maison. Et si vous prévoyez d’acheter une nouvelle maison, vous ne pouvez pas vous permettre de négliger ce que vous apprenez tout en entretenant et en améliorant votre maison actuelle.

Il ne devrait pas y avoir de contradiction entre ces horizons. Alors que nous aspirons à un meilleur modèle de gestion de produit, nous devrions viser à travailler en étroite collaboration, en partageant les preuves et des apprentissages en cours de route.

Après tout, nous partageons un objectif commun essentiel : améliorer les choses pour les personnes qui utilisent nos services.